Education civique. Les libertés indivuelles.
- Madame, un Etat où ya pas de loi, c'est comme Haïti.
- Euh pas vraiment. A Haïti, il y a des lois, mais elles ne sont pas respectées.
- T'es déjà allée, Madame?
- Non. Et toi?
- Oui, j'ai grandi là-bas.
- Ah bon, tu es né là-bas?
- Non. Ici.
- Mais tu as vécu là-bas?
- Oui, je suis né ici, mais après je suis allé là-bas.
- Jusqu'à quel âge?
- 2002. Madame, là-bas, c'est trop bien. Si t'as 1 dollar, tu peux acheter 10 jus!! C'est comme si t'avais 10 dollars! Là-bas, t'es riche! Mais si t'es riche, alors on va te voler. Ou alors la rançon. Alors faut pas rester trop longtemps. Mais là-bas, si t'es pas riche, c'est pas bien. Les pauvres, Madame, ils sont trop pauvres là-bas.
- ... Qui est déjà allé à Haïti?
(La moitié de la classe lève la main)
- Et vous y allez souvent?
- Ben, ça dépend Madame. Tous les ans. Pour voir la famille.
- Madame, là-bas, c'est voodoo (vaudou)! Attention hein!
- Mais, Madame, pourquoi t'es jamais allée?
- (euh...) Pas encore...
- Mais c'est vrai. Toi, ta couleur, c'est dangereux, Madame.
Au collège, plus de la moitié des élèves sont nés à Haïti, ou leurs parents y sont nés. Cette immigration, légale et clandestine, est relativement récente. Elle date des années 1980, années de la défiscalisation, quand l'immobilier a explosé et que les chantiers de construction réclamaient de la main-d'oeuvre abondante, docile et peu chère.
Depuis, le mouvement continue, mais de façon plus clandestine. Les Haïtiens sont extrêmement mal vus, notamment par les Saint-Martinois (qui ne représentent plus que 10-15 % de la population de l'île).
On me dit que les premiers enfants haïtiens étaient extrêmement bien élevés, parce que les parents voulaient à tout prix s'intégrer.
Qu'aujourd'hui, ils se sont tellement adaptés, qu'ils sont devenus comme les enfants saint-martinois, c'est-à-dire pas vraiment des élèves modèles!
Certains sont en extrême échec scolaire (même s'ils n'en sont pas forcément conscients), mais d'autres s'en sortent très bien : dans ma classe d'excellents 3e, plusieurs élèves (mais filles uniquement) sont nés à Haïti.
Un gros problème : l'administration du collège n'aime pas du tout les Haïtiens... C'est un peu du racisme institué, visible notamment lors des conseils de classe. Les élèves qui ont un patronyme anglais (c'est-à-dire les Saint-Martinois pure souche) sont défendus becs et ongles malgré toutes les conneries qu'ils peuvent faire, tandis que les élèves qui ont un patronyme français (c'est-à-dire haïtien) se font détruire en toute liberté. C'est beau l'égalité, non?
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